lundi 25 mars 2013

Christopher Lasch et le culte du narcissisme

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Christopher Lasch est un sociologue américain, mort au début des années 90, que l'on a découvert en France par l’intermédiaire de Jean-Claude Michéa. Il serait un peu long d'énumérer les combats menés par Lasch, si l'on devait l'espace d'un billet en cerner un, on pourrait évoquer sa critique du narcissisme contemporain.


Dans son livre La Culture du narcissisme, Lasch détaille, en passant parfois par l'Histoire, parfois par la sociologie (comme pour mieux nous montrer que la réalité ne s'aborde sérieusement que par une pluralité de moyens pour éviter justement le syndrome "grille de lecture" : du sociologue, de l'historien, voire grille de lecture idéologique et plus de méthode : féministe, etc.), le développement du narcissisme contemporain qu'il date, pour les États-Unis, à partir des années 70.

Ne plus avoir conscience de sa filiation avec le passé, ne plus s'inscrire dans une dynamique mais dans une jouissance immédiate, résolument tournée vers le "moi". Plus de projet collectif mais le désir de protéger sa petite santé, sa carrière.

C'est avec une telle approche, une rupture joyeuse, une dislocation du groupe sur l'autel du narcissisme nourri à la société de consommation (car on consomme pour soi), que la lutte moderne contre un système politico-économique dangereux (atlantiste, libéral économiquement, etc. pour le cas de la France et plus largement de la politique dominante de l'Union Européenne) se trouve anéantie. Chacun pour soi, chacun chez soi. On pourrait prolonger la pensée de Lasch en disant que, pour reprendre le titre du chapitre I, "l'invasion de la société par le moi" c'est également le terreau du "diviser pour régner".

Le citoyen n'est plus une partie d'un ensemble, il est une personne pensant d'abord à soi. Il se mure dans sa propre jouissance, comme politiquement il va se murer dans des clivages qui permettront au système critiqué de tenir.

Se refuser de penser trans-courants, refuser d'aller voir chez l'autre, de l'entendre, c'est se condamner à créer des forces de frappe faibles et sans danger. En son temps, le cercle Proudhon tenta justement de dépasser ces clivages pour trouver des points communs entre anarchistes et royalistes. Après tout, peu importe sa sensibilité politique, on ne peut avoir que du dégoût en regardant, aujourd'hui, comment des trusts financiers spéculent sur la dette des états comme Goldman Sachs avec la Grèce pour ne citer qu'un exemple.

La pensée de Lasch, même si elle concerne les États-Unis est autant valable pour la France. Au-delà de sa situation personnelle, Lasch analyse et critique un système, des tendances humaines et ces tendances voyagent.
"Le désastre qui menace, devenu une préoccupation quotidienne, est si banal et familier que personne ne prête plus guère attention aux moyens de l’éviter. Les gens s’intéressent plutôt à des stratégies de survie.

Ceux qui creusent des abris espèrent survivre en s’entourant des derniers produits de la technologie moderne. C’est l’idée opposée qui anime les communes établies à la campagne : se libérer d’une dépendance à l’égard de la technologie.

Ces deux stratégies reflètent la perte de toute espoir de changer la société, et même de la comprendre ; et c’est ce qui sous-tend également les cultes de l’expansion ou du « développement personnel ».

Après le tumulte politique des années 1960, les Américains se sont repliés vers des préoccupations purement personnelles. Ce qui comptait, c’était d’améliorer leur psychisme, s’immerger dans la sagesse d’Orient. Sans danger en tant que telles, ces activités promues au rang de plans d’action et enrubannées dans la rhétorique de l’authenticité et de la prise de conscience, traduisent un éloignement de la politique et une répudiation du passé récent.

Le film de Woody Allen, Sleeper, reflète avec exactitude l’ambiance des 70’s. Vivre dans l’instant est la passion dominante. Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur.

Les religions du passé, même les plus détachées de ce monde, exprimaient un espoir de justice sociale et un sens de la continuité avec les générations antérieures. Or, l’absence de ces valeurs caractérise la mentalité de survie des 70’s.

L’atmosphère actuelle n’est pas religieuse mais thérapeutique. Ce que les gens cherchent avec ardeur aujourd’hui, ce n’est pas le salut personnel, encore moins le retour d’un âge d’or antérieur, mais la santé, la sécurité psychique."

Lasch, Christopher, La Culture du narcissisme
 
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vendredi 1 mars 2013

Chester Brown et la prostitution

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 Chester Brown est un auteur canadien connu pour une biographie sur Louis Riel, homme politique important dans l’histoire du Canada. Louis Riel fut un grand résistant à l’influence anglophone sur ses terres. Défenseur des Métis, il devint très rapidement le grand représentant de cette communauté.



Chester Brown livre ici un livre totalement différent. Il n’est plus question de politique mais de l’expérience de l’auteur avec des prostituées. Au lieu de tenir un roman graphique narcissique et complaisant, le travers de l’autofiction qui (même en bande dessinée) devient vite du nombrilisme (se centrer sur soi alors que l'on n’a pas grand-chose à dire, manière de masquer son vide existentiel et sa vacuité intellectuelle, son incapacité à penser), Chester Brown propose une véritable réflexion sur le couple et l’amour. Peut-on vivre sans sexe ? Peut-on dissocier l’amour platonique de l’amour physique ? En allant voir, pour chaque cas, une personne différente ? Comment penser le couple aujourd’hui ? De manière traditionnelle ou éclatée ? Brown ne répondra pas à toutes ces questions mais les lancera subtilement sans tomber dans le travers du didactisme pataud. A chacun de prolonger cette thématique en se rapportant à sa propre expérience.


Brown refuse d’érotiser à l’extrême ses relations sexuelles avec les 23 prostituées fréquentées, au contraire le dessinateur évacue les scènes d’amour (levrette et position du missionnaire tiennent en 2/3 cases et résument les ébats) pour favoriser les scènes de dialogue. Chester parle avec les prostituées, avec ses amis (dont le dessinateur canadien Seth, représenté mais non nommé). Un peu comme dans un film de Woody Allen, ou dans un autre registre de Rohmer, on parle beaucoup chez Chester Brown. Une parole discontinue, coupée, reprise, développée. Comme si les personnages avaient besoin d’interroger, de sonder, des problèmes modernes qui semblent à leurs yeux insolubles. Bref, une parole pour comprendre mais aussi une parole pour exister. Dans une société cultivant la solitude, les personnages de Brown comprennent la nécessité du lien social, plus ou moins intime (de l’ami à la petite amie).



Brown part d’une rupture avec son amie. Cette dernière a trouvé un autre homme. Brown accepte un temps de tenir la chandelle, de subir un ménage à trois au sein duquel il ne participe jamais. Peu enthousiaste pour se jeter dans une nouvelle relation, l'auteur envisage alors de ne fréquenter que des prostituées, dans un premier temps pour soulager sa libido. Attendre, mettre entre parenthèse l’amour avant de le trouver à nouveau, ou avant de se décider à le trouver.



Le tour de force de cet album est de rester pudique et tendre sur un sujet a priori scabreux. Un détail, mais qui en dit long, Brown ne montre pas les visages des prostituées et ne divulgue aucunes informations personnelles. Il les présente à grands traits et préfèrent se focaliser sur ce qu’il fait de mieux : le dialogue. Un dialogue pour exorciser le mal, un dialogue là où on l’attend le moins (une chambre de passe). Comme si, au fond, le plus important pour la santé mentale restait une parole honnête, sincère et sans calcul. Parler comme on le veut, de ce que l’on souhaite, sans prendre peur aux conséquences, sans chercher à ménager telle ou telle personne. Même si la liberté de ton et des thèmes abordables n'est pas forcément au coeur de ce roman graphique, Chester Brown esquisse cette problématique. 



On le voit bien, durant ses conversations avec ses amis, ses interventions sont ponctuelles. Il essaie de formuler ses interrogations, d'avancer des conceptions du couple qui sortent du standard, hésite, tente, se tait. Cette parole hésitante, qui peut rapidement tomber sous le coup du jugement d'autrui, sous la sentence plutôt, est une bien belle représentation du problème du parler à l'heure actuelle.

Référence : Vingt-trois prostituées, de Chester Brown (Edition Cornélius)

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