lundi 21 janvier 2013

Zola sur Victor Hugo

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Redirection en htm La question du naturalisme me semblait difficile à appréhender. En effet, Zola fonde le naturalisme mais personne, à part lui, ne veut s'en réclamer. C'est en lisant Le Roman expérimental, recueil d'article de Zola cherchant à expliquer sa théorie de la littérature, que je compris mieux ce qu'était cette école littéraire.

Au fond, le naturalisme n'est qu'une vision de l'Histoire. Et plus spécifiquement de l'Histoire littéraire. Zola retrace dans l'article "Lettre à la jeunesse" une histoire littéraire sous un angle naturaliste. Pour lui, le naturalisme a existé depuis le début, a évolué mais on en trouve des traces au fil des siècles jusqu'au XIXème siècle qu'il étudie plus spécifiquement. Zola prend Balzac pour modèle mais n'arrête pas au romancier de la Comédie humaine sa définition du naturalisme.


Malgré ce que Zola veut nous faire croire, autrement dit que la littérature peut s'appliquer à elle-même des théories scientifiques émanant de Claude Bernard (et de son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale), ce qui semble assez délicat car Zola ne se fonde que sur des observations branlantes et non sur un matériau tangible (au mieux il est un sociologue mais pas un scientifique, donc du côté des sciences molles plus que des sciences dures, malgré l'application de sa théorie de l'observation et de l'expérimentation), on trouve quelques remarques brillantes dans cette anthologie.

Je voulais en rapporter une pour ce billet. Elle concerne Victor Hugo. Zola apprécie le poète mais est très critique envers le penseur. Je rejoins pour ma part entièrement Zola, Hugo est lyrique mais grossier dans sa réflexion. C'est probablement cette grossièreté, Les Misérables est une vision caricaturale de l'opposition riches/pauvres (avec un Jean Valjean quasi christique et des innocents plus blancs que blancs), qui conduit Victor Hugo à être encore et toujours adapté au cinéma (sous peu, on relève l'apparition d'une comédie musicale américaine sur le roman d'Hugo). 

Il est plus délicat de faire du spectaculaire avec La Comédie humaine de Balzac, ou plus proche de nous avec Voyage au bout de la nuit de Céline. Hugo, par son utilisation de types, sa vision caricaturale des oppositions internes à une société, ne bouscule pas vraiment le lecteur. Il est un joyeux critique, lyrique, mais la portée de son tir est très faible. Je me faisais donc ce constat en lisant Hugo, et je m'aperçus que déjà à son époque Zola critiquait de la sorte son collègue romancier, poète et dramaturge. 

Même si on peut reprocher à Zola de prendre ses visions pour la réalité, un bourgeois de Zola reste un bourgeois de Zola et non le bourgeois (d'ailleurs lequel ?), on ne peut pas nier que l'auteur naturaliste amassait une foule de documents pour décrire au plus juste l'univers traité. Le problème est plus du côté de l'objectif/subjectif que de la qualité de la critique. Car, la critique existe, est souvent solide, et documentée. Ce qui n'est clairement pas le cas chez Hugo qui se contente de peindre grossièrement, à la manière d'un Eugène Sue, la pauvreté et les riches.

"Si j'applaudis Victor Hugo comme poète, je le discute comme penseur, comme éducateur. Non seulement sa philosophie me paraît obscure, contradictoire, faite de sentiments et non de vérités; mais encore je la trouve dangereuse, d'une détestable influence sur la génération, conduisant la jeunesse à tous les mensonges du lyrisme, aux détraquements cérébraux de l'exaltation romantique. 

Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de Ruy Blas, qui a soulevé un si grand enthousiasme. C'était le poète, le rhétoricien superbe qu'on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l'éclat de l'or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d'un souffle plus lyrique, d'une vie plus intense. Mais personne,  à coup sûr, n'acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l'on met à part le clan des admirateurs farouches, de ceux qui veulent faire de Victor Hugo un homme universel, aussi grand penseur qu'il est grand poète, tout le monde haussent les épaules aujourd'hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de pendre ce drame comme un conte de fées sur lequel l'auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu'on l'examine, au point de vue de l'histoire et de la logique humaine, dès qu'on tâche d'en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d'erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique."

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jeudi 10 janvier 2013

Du Bellay et la défense de la langue française

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Même s'il est difficile de dater efficacement le mouvement humaniste en France, il n'en demeure pas moins que les humanistes français eurent une importance capitale dans l'évolution de la langue française. A une époque où les savoirs étaient l'apanage du latin, du grec, voire de l'hébreu, les écrivains de la Pléiade appuyèrent les initiatives politiques de François Ier, ordonnance de Villers-Cotterêts, pour faire du français une langue aussi noble que ses consoeurs.

Le français de l'époque n'était pas aussi normé qu'aujourd'hui. Il ne s'agissait pas d'une langue standard, ayant la stature d'une langue nationale, mais un panachage de dialectes. Accompagnant la mission unificatrice, politique, du roi, les écrivains de la Pléiade oeuvrèrent donc en français (poèmes de Ronsard, romans de Rabelais...) afin de prouver que leurs lointains camarades (artistes de l'Antiquité comme Homère) n'étaient pas le seuls à détenir les clés de la grande littérature.



Essai court, et très connu, Défense et Illustration de la Langue française de Joachim Du Bellay reste encore aujourd'hui une déclaration d'amour puissante au français. Du Bellay démontre en quoi le français est une belle langue, apporte des idées pour améliorer la langue et surtout lui déclare sa flamme. 

En relisant cette défense, je fus surpris à quel point les propos de Du Bellay pouvaient être d'actualité. Après tout, une langue n'est jamais éternelle, elle peut disparaître, devenir "morte" (latin, grec, des langues que les étudiants fuient de plus en plus, surtout au lycée. Ce qui signifie se couper d'une partie de notre héritage puisque nous sommes d'une culture européenne nous Français) ou connaître une véritable dévaluation du fait de l'incursion d'éléments étrangers (anglicisme, mots provenant de langues extra-européennes, etc.) voire d'un remplacement progressif. 

Une langue se nourrit des autres, c'est cela qui lui donne sa vitalité. Mais une langue doit aussi défendre son excellence et son assise. Le communautarisme est une volonté globale de faire sécession.  Autant du point de vue commerçant (commerces marquant une appartenance religieuse, ethnique), que du point de vue linguistique. Constater des tracts chinois pour des recrutements dans le 13ème arrondissement de Paris (cas déclinable pour d'autres communautés dans d'autres arrondissements), c'est constater le recul de la culture française, la petite mort de sa langue. 

Relire Du Bellay, c'est comprendre à quel point le rapport à notre langue doit prendre des airs de lutte (La Pléaide se définissait bien comme une "brigade"). Lutte contre les particularismes étrangers, contre la facilité (langage SMS, textes truffés de fautes de vocabulaire, de grammaire...). Comme un vêtement bien choisi, bien porté (donc pas de jogging au travail ou à un entretien d'embauche), la langue est le signe de l'effort, du respect d'autrui, de la volonté de s'extraire d'une misère sociale. Le vivre-ensemble commence par le respect du français standard. Le vivre-ensemble commence par le partage d'une culture nationale, donc d'une langue nationale.

"Pour conclure ce propos, sache, lecteur, que celui sera véritablement le poète que je cherche en notre langue, qui me fera indigner, apaiser, éjouir, douloir, aimer, haïr, admirer, étonner, bref, qui tiendra son plaisir"

" Le principal but où je vise, c'est la défense de notre langue, l'ornement et amplification d'icelle, en quoi si je n'ai grandement soulagé l'industrie et labeur de ceux qui aspirent à cette gloire, ou si du tout je ne leur ai point aidé, pour le moins je penserai avoir beaucoup fait si je leur ai donné bonne volonté"

"Pourquoi donc sommes-nous si grands admirateurs d'autrui ? Pourquoi sommes-nous tant iniques à nous-mêmes ? Pourquoi mendions-nous les langues étrangères, comme si nous avions honte d'user de la nôtre ?"

"Il me semble (lecteur ami des Muses françaises) qu'après ceux que j'ai nommés, tu ne dois avoir honte d'écrire en ta langue : mais encore dois-tu, si tu es ami de la France, voire de toi-même, t'y donner du tout, avec cette généreuse opinion qu'il vaut mieux être un Achille entre les siens qu'un Diomède, voire bien souvent un Thersite, entre les autres"

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