Voici la prépublication de Mémoire d'un suicidé de Maxime Du Camp, ce livre va inaugurer notre section "grands romans oubliés". Le but ? Vous proposer des versions propres de textes injustement ignorés avec à chaque fois un travail graphique pour mettre en valeur ces écrits. L'illustrateur de Mémoire d'un suicidé se nomme Tom Cochien. Nous pensons publier environ la moitié du roman, gratuitement. Le reste sera accessible dans son intégralité via la boutique Amazon ou Youscribe pour un total de 2 euros. Pour le moment, profitez de cette introduction en attendant la suite pour bientôt.
Introduction
Il y a deux ans, j'étais en
Egypte; je revenais de la Nubie, et nia cange, après avoir descendu les
cataractes, après avoir côtoyé les merveilleux paysages du Nil, après avoir
stationné devant les ruines de Thèbes, s'arrêta un matin au mouillage de Kénéh.
C'était à la fin de mai : l'inondation avait abandonné les terres crevassées
par le soleil ; il faisait chaud et le vent de khamsin poussait ses rafales
brûlantes sous le ciel décoloré. Mon équipage, qui depuis six semaines maniait
ses longues rames en chantant, était épuisé de fatigue, il demandait un repos
que je lui accordai sans peine; et afin d'utiliser mon temps, je résolus
d'aller visiter les bords de la mer Bouge, dont la ville de Kénéh est séparée
par un petit désert que les caravanes mettent lentement quatre jours à traverser.
Un certain chrétien de Bethléem nommé Iça, faisant fonction d'agent consulaire
de France à Kénéh, se chargea de trouver des dromadaires pour- mon drogman et
pour moi, des chameaux pour les outres et pour les bagages, et fit prix avec
des chameliers qui devaient me conduire au port de Qôseir et me ramener ensuite
à Kénéh, où le reste de mes hommes demeurait à m'attendre.
On partit avant le lever du
jour, et le soir, à la nuit close, on piqua la tente au puits de la Djita,
après avoir marche quatorze Heures sous le soleil et à travers les tourbillons
de poussière soulevés par le vent du sud. Le lendemain, on fit la sieste dans
une grotte couverte d'inscriptions hiéroglyphiques de la dynastie éthiopienne,
à un endroit nommé Gamré-Schems, et le soir on s'arrêta à quelque distance de
Bir-el-Hamammat (le Puits des Pigeons). Nos chameliers auraient voulu pousser
plus loin, car le diable venait souvent visiter les voyageurs à cette place que
j'avais imprudemment choisie, et ils ne se sentaient que médiocrement rassurés
malgré les plaisanteries et les raisonnements philosophiques de mon drogman.
Lorsque j'eus terminé ce
rapide repas des voyages au désert, qui se compose presque invariablement de
pain et d'œufs durs, lorsque j'eus pris mes notes à la clarté de ma lampe
portative, je m'étendis sur mon tapis, la tête soute nue par un bon oreiller de
sable fin, mes armes près de moi, sous le ciel étoilé, sentant mon cœur se
dilater à l'aise dans les immensités silencieuses qui m'entouraient.
Le sommeil approchait de moi,
les images des songes passaient déjà devant mes yeux, je n'avais plus qu'une
perception confuse des paroles que les chameliers échangeaient à voix basse,
lorsque mon drogman se prit à dire en ricanant :
— Ah! si le diable vient nous
chercher cette nuit, il- trouvera à qui parler, car voilà une caravane qui s'arrête
à cent pas d'ici.
En effet, un grand bruit vint
jusqu'à moi. Des chameaux faisaient entendre ce gargouillement plaintif qui est
leur cri, des hommes parlaient à voix haute, on chassait à coups de marteau les
piquets d'une tente; on s'a gita ainsi pendant quelque temps, puis peu à peu la
rumeur s'apaisa, se tut tout à fait, et je m'endormis.
Je ne sais depuis combien
d'heures je reposais de ce sommeil vigilant particulier aux voyageurs qui
gardent toujours une oreille ouverte au danger, lorsque tout à coup je fus
réveillé par un grand tumulte. Des Arabes criaient, un coup de fusil ébranla
les échos du désert, on entendait des miaulements douloureux semblables à des
vagissements d'enfant. Je sautai sur ma carabine, mon drogman passa ses
pistolets à sa ceinture.
— C'est Schitan le Lapidé qui
tord le cou à de mauvais pèlerins, disaient les chameliers.
— C'est quelque bête féroce
qui attaque la caravane, disait le drogman.
— Allons voir, disais-je à mon
tour. Et le drogman et moi nous partîmes en courant, pendant que les chameliers
s'accroupissaient prudemment derrière leurs dromadaires. Comme nous approchions
du lieu d'où était sorti tout ce vacarme, mon oreille fut frappée par un juron
fiançais si nettement articulé, si franchement accentué, que je ne pus
m'empêcher de m'arrêter avec étonnement.
— Qui vive I criai-je en
riant.
— France! répondit-on. Je fis
encore quelques pas et je me trouvai face à face avec un grand jeune homme vêtu
en Wahabi. Il me tendit la main :
— Parbleu ! me dit-il,
monsieur, je ne m'attendais pas à être secouru par un Français ; car ceci est
un pays peu fréquenté par nos compatriotes. Je vous remercie de votre
empressement, le péril n'était pas bien grand tout à l'heure, et maintenant il
est entièrement passé.
— Qu'était-ce donc? lui
demandai-je.
— Rien. Une bande de chacals
qui rôdait par ici a voulu tâter de nos provisions; un chamelier a crié contre
eux, mon Arnaute leur a envoyé un coup de fusil, mon chien s'est mis à leur
poursuite, et à cette heure tout est au mieux dans le meilleur des déserts
possibles. Est-ce que vous venez de Kénéh?
— Oui, j'en suis parti hier
matin.
— Dieu soit loué! s'écria-t-il,
car vous devez avoir de l'eau du Nil. Depuis un an que je cours l'Arabie, je ne
bois que des breuvages impossibles et j'ai hâte d'avaler quelques gorgées d'eau
douce. Les puits de Qùseir sont pleins de je ne sais quel liquide infâme plus
nauséabond que des produits chimiques; vous m'en direz des nouvelles lorsque
vous y serez.
J'envoyai mon drogman chercher
une outre à laquelle on donna de longs baisers, comme dit Sancho. J'étai
surpris de la joie qu'éprouvait ce jeune homme à boire cette eau, qui depuis
deux jours ballottait au soleil dans de vieilles peaux de chèvres, et que déjà
je trouvais si mauvaise.
Lorsqu'il eut largement bu, il
fit claquer sa langue comme un gourmet qui vient de savourer un verre de ce
fameux vin de Porto retrouvé sous les décombres du tremblement de terre de
Lisbonne.
—
Merci, me dit-il en rendant
l'outre au drogman. Est-ce que vous avez bien envie de dormir? Puisque nous
sommes en Orient, vous me permettrez de vous traiter à l'orientale : nous ne
pouvons nous séparer sans avoir pris le café et fumé un tchibouk.
—
Soit, lui dis-je ; mais avant
tout, présentons-nous nous-mêmes l'un à l'autre. Je m'appelle Maxime Du Camp ;
je viens de Wadi-Halfa et je compte me rendre à Constantinople à travers le
continent, pour de là rejoindre la France par la Grèce et l'Italie. Et vous,
mon hôte?
—
Moi, répondit-il, je m'appelle
Jean-Marc ; j'arrive du Caucase, à travers la Perse, le Khurdislan, la Mésopotamie
et l'Arabie; je me rends à Alexandrie, où je m'embarquerai pour la France ou
tout autre pays, selon la fantaisie qui me poussera.
—
Eh bien, mon cher Jean-Marc,
entrons sous votre tente !
—
Ma foi, mon cher Maxime, vous y
serez le bienvenu. Les voyageurs se lient facilement : on se rencontre
aujourd'hui, demain on se sera abandonné peut-être pour toujours; aussi on met
vite le temps à profit; on donne en quelques instants ce qui, dans des
circonstances ordinaires, demanderait des semaines et des mois; au bout d'une
heure on se quitte en s'aimant, sans savoir si jamais on se retrouvera. ll n'y
a pas de transition, on en est déjà à l'intimité qu'on sait à peine de quel nom
s'appeler. On se jure de se rechercher, de se revoir plus tard; mais le temps
vous sépare, les exigences de la vie vous dispersent, l'oubli vous éloigne, et
vous restez sans nouvelles de ceux à qui vous avez donné une portion de votre
cœur dans une poignée de main.
—
Sur les grands chemins du monde,
que d'amis j'ai déjà laissés pour qui mon visage serait maintenant inconnu !
En quelques minutes, Jean-Marc et moi,
accroupis sur une natte, fumant nos longues pipes, roulant nos chapelets entre
nos doigts, nous nous traitions déjà en vieilles connaissances.
Pendant
que nous causions, le rideau de la tente se souleva doucement, et un grand
lévrier épagneul entra. ll étira ses membres, lécha ses babines, me flaira avec
circonspection, et alla ensuite se coucher auprès de son maître, qui le caressa
en lui disant :
— Eh bien ! Boabdil, nous avons donc mangé un
peu les chacals, que nous avons la gueule toute saignante. Le coup de Bekir-Aga
aura sans doute porté. Ce vieux diable est comme les chats, il y voit aussi
bien la nuit que le jour.
Le
personnage dont on parlait ne tarda pas à paraître lui-même, apportant le café.
C'était un homme grand et sec, plus
délabré que Job et plus fier que Bragance, et de mine hautaine, malgré le dépenaillement
de son costume albanais. Sa fustanelle retombait trouée comme une guipure sur
ses jambes laissées à demi nues par des guêtres déchirées; de sa ceinture
sortaient des pistolets à crosse de coi ail et un yatagan à fourreau de
vermeil; ta veste, autrefois rouge brodée d'or, s'en allait en lambeaux; un fez
blanchi et luisant couvrait sa tête et s'entourait, en guise de turban, d'un
mauvais mouchoir en cotonnade jaunâtre qui accompagnait bien les tons bronzés
de son visage maigre, illuminé par deux yeux perçants et orné d'une longue
moustache blanche qui se retroussait jusqu'aux oreilles.
—
Où donc avez-vous trouvé ce chef de brigands? Demandai-je à Jean-Marc lorsque
Bekir-Aga se fut éloigné.
—
Dans les montagnes de l'Albanie, me répondit-il. C'est toute une histoire. Il y
a une dizaine d'années je lui ai sauvé la vie, et depuis ce temps il ne m'a
jamais quitté. Son accoutrement se ressent du long voyage que nous venons de
faire. ll ne paye pas de mine, je le sais, mais c'est le serviteur le plus
dévoué qui soit au monde ; et, ajouta-t-il avec une certaine tristesse, c'est
depuis bien des jours déjà ma seule compagnie avec ce chien qui dort maintenant
à mes pieds.
Après
une heure de conversation avec Jean-Marc, je me levai pour lui faire mes
adieux; il me retint par le bras :
—
ll y a si longtemps, me dit-il, qu'une voix française n'a sonné à mon oreille
que je ne peux me décider à vous quitter. Et puis, j'ai bien des questions à
vous faire; voilà plus d'une année que je n'ai eu des nouvelles de la France,
je ne sais ce qui s'y passe. Notre rencontre ne me laisserait que des regrets
si vous ne consentiez à la prolonger. Si rien ne vous presse vers Qôseir, où
vous arriverez toujours trop tôt pour ce qui vous y attend, consacrez-moi votre
journée de demain. Le khamsin est violent, prenez un jour de repos et
laissez-moi le passer avec vous ; nous causerons de l'Opéra et du boulevard des
Italiens ; je vous donnerai tous les renseignements possibles sur les contrées
que vous voulez parcourir et où j'ai longtemps voyagé. En m'accordant ce que je
vous demande, vous me rendrez fort heureux. C'est une grande joie, croyez-moi,
de trouver un compatriote dans de telles solitudes, et aussi de pouvoir parler
à son aise le langage de son pays.
Malgré
la contrariété que j'éprouvais de perdre un jour, je ne voulus point refuser
une offre aussi cordialement proposée; il fut donc convenu que nous passerions
en semble celte journée qu'il désirait.
—
Merci, me dit Jean-Marc avec effusion; en revanche et à la condition que ma
société ne vous fatiguera pas trop, je vous promets de vous attendre à Kénéh,
et si vous avez une place à me donner dans votre cange, je descendrai avec vous
jusqu'au Kaire. .
J'acceptai
de grand cœur, et nous nous séparâmes pour reprendre un sommeil qui, cette
fois, ne fut plus inter rompu. Les morsures du soleil levant me réveillèrent le
lendemain, au moment où mon compagnon improvisé arrivait à mon campement.
—
J'ai trouvé, me dit-il, un endroit sans pareil où nous aurons de l'ombre et de
la fraîcheur, deux choses rares au mois de mai dans le désert de Qôseir. J'ai
déjà poussé une reconnaissance matinale jusqu'au puits dont nous sommes
voisins, afin de voir s'il contenait de l'eau; j'ai aperçu au fond une sorte de
fange croupie que refuse raient d'habiter des grenouilles, mais c'est le plus
joli lieu du monde pour y causer de omni
re scibili et quibusdam aliis. Figurez-vous une tour à l'envers, cent
soixante degrés à descendre et un large palier à chaque vingtaine de marches.
Ce sont les Anglais qui ont creusé et construit tout cela, pour notre plus
grand plaisir, à l'époque où ils occupaient l'Egypte, et comme ce sont
d'ingénieux utilitaires, ils ont fait autour du puits des auges avec des
sarcophages antiques à moitié dégrossis.
Les
domestiques portèrent nos tapis dans l'escalier découvert par Jean-Marc.
L'endroit était bien choisi en effet; quelques geskos, il est vrai, rampaient
le long des murs, une senteur de vase humide planait autour de nous, mais
qu'importe! En voyage on ne s'arrête pas à de si minces considérations ; le
soleil ne pouvait nous atteindre, la chaleur ne descendait pas jusqu'à nous, nous
avions du tabac Djébéli, de bons tchibouks, de cet inappréciable café d'Orient,
et nous aurions été ingrats de nous plaindre.
Sous
la pleine lumière du jour je pus examiner Jean- Marc à mon aise, et je crois
qu'il ne sera pas inutile, pour la suite de ce livre, de tracer de lui une
esquisse rapide. C'était un grand jeune homme de vingt-huit ans environ, pâle
sous la teinte brune dont le soleil avait doré son visage; une courte barbe
noire, dure, serrée et frisée encadrait ses mâchoires saillantes et sa lèvre
épaisse; son front large, très-développé par les bosses d'accaparation, se
plissait de deux ou trois rides prématurées; des sourcils fins suivaient les
contours de l'arcade orbitaire qui se projetait hardiment au-dessus d'un œil
ouvert, d'un noir velouté, très-doux malgré une certaine ironie désolée, et
dont la fixité devenait, par moments, insupportable. Ainsi que je l'ai dit, il
portait le magnifique costume de l'Hedjaz : un turban blanc serrant une kufieh
rouge et jaune entourait sa tête sévèrement rasée; une longue robe ponceau
retombait jusqu'à ses pieds, dont la cambrure et l'exquise finesse
correspondaient parfaite ment à l'élégance presque féminine de ses mains
maigres et allongées ; rattachées à des poignets minces, pleins de flexibilités
charmantes, elles paraissaient encore plus petites dans les larges manches où
elles flottaient à l'aise.
ll
avait le geste abondant, sec et très-expressif. Pendant les courts instants que
j'ai passes auprès de lui, il me parut être ce qu'on appelle un homme distrait;
au mi lieu d'une conversation il oubliait facilement son inter locuteur et
tombait volontiers au fond de lui-même dans l'absorption d'une pensée secrète.
L'urbanité de ses manières se doublait d'une hardiesse hautaine qui animait la
sévérité un peu dure dont ses traits étaient empreints; il avait, comme on dit,
le poing sur la hanche, et tout en causant, il m'avoua qu'il ne fuyait pas les
querelles et ne détestait pas les gourmades.
A
force de parcourir les rayonnants pays du soleil qu'il connaissait mieux que
personne, il avait conquis un flegme oriental qui s'alliait d'une façon
singulière à sa vivacité naturelle, à cette furia
francese qui nous fait si vite reconnaître par les étrangers. Il répétait
souvent cet axiome : L'honnête homme est celui qui ne s'étonne de rien. A
toutes ses admirations il donnait un correctif souvent amer. ll avait beaucoup
vu, beaucoup regardé, beaucoup réfléchi sans doute, et il résumait par fois son
opinion dans un aphorisme nerveux qui repoussait toute réplique.
Comme
nous parlions d'une intervention probable des peuples européens dans la
politique d'Orient ; Que pensez-vous de la Russie ? Lui disais-je.
—
La Russie ? Un fœtus monstrueux sorti de son bocal : on en a peur, parce qu'il
est laid.
—
Et l'Allemagne ?
—
Un- tonneau de bière rempli de poudre, ça fera long feu !
—
Et l’Angleterre ?
—
Un rasoir emmanché d'un protocole !
—
Et l'Italie?
—
Une enseigne de coiffeur entre une clarinette et un sonnet !
—
Et la France ?
—
Une lionne en gésine !
—
Et l'Amérique ?
—
C'est l'avenir ! s'écria-t-il avec force : Dieu est pour elle, et c'est pour
elle aussi que grandit cette vieille déesse toujours vierge qu'on appelle la
Civilisation ! Dieu est pour elle.
Cette
roideur tranchante avec laquelle il lançait sa pensée n'était souvent
qu'apparente, car il lui arrivait d'abandonner son opinion lorsqu'il voyait
qu'elle allait amener une discussion sérieuse ; parfois même il restait dans un
vague étrange et reculait devant une conclusion que cependant demandaient ses
théories. Par moments, et sur un mot qui heurtait ses idées, il s'exaltait,
s'emportait, et peu à peu, sur le même sujet, redevenait calme et presque
indifférent, comme s'il n'eût pas jugé l'objet de la contestation digne d'un
effort. Il me sembla à travers toutes choses traîner le poids d'un
insurmontable ennui. — J'ai pris la vie à rebours, me disait- il, et j'en
porterai la peine éternellement.
—
Ah ! bath ! Répliquai-je, tout mal garde en soi son remède, et, comme disent
les bonnes gens, chacun porte sa croix : connaissez-vous un homme heureux ?
—
Oui, s'écria-t-il, j'en ai vu un.
— Où donc? Le cas est rare, et j'irais
volontiers lui demande son secret.
—
Dans un village du Nadj. C'était un Kurde que les Wahabis avaient fait
prisonnier dans leur guerre contre le pacha d'Egypte; il est condamné à tourner
la roue d'un sakyeh du matin au soir. Au lever du soleil, il se met à sa rude
besogne, qu'il fait avec conscience, dans la crainte des coups de bâton; quand
vient la nuit, il va se coucher sur une natte et dort d'un bon sommeil pour
recommencer le lendemain.
—
Et vous estimez que ce misérable est heureux ! M’écriai-je avec une certaine
vivacité.
—
« Si j'avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans
l'habitude. » C'est Chateaubriand qui l'a dit, et il est notre maître à tous.
Ce misérable, comme vous l'appelez, est habitué, donc il est heureux.
—
Eh bien, il fallait prendre sa place !
—
Ah ! non, répondit-il, car j'aurais pris la place sans prendre l'habitude, et
j'aurais manqué mon but.
—
Vous aimez les paradoxes, lui dis-je en riant.
—
Moins que vous le croyez, répliqua-t-il avec une expression triste et sérieuse.
Ses discours, ainsi que cet exemple peut le prouver, étaient souvent pleins de
contradictions; je voyais en lui un esprit droit, intelligent, curieux, mais
hésitant encore et n'osant pas se formuler. Parfois, comme s'il eût emprunté aux
dogmes mahométans leur loi fondamentale, il s'avouait fataliste et déclarait
hautement que rien n'arrive que ce qui doit arriver; d'autres fois, au con
traire, il réclamait son libre arbitre et le droit que chacun porte en soi de
guider sa vie à travers les événements qui l'assaillent; et comme je lui
faisais remarquer la contradiction flagrante qui existait entre ces deux opinions
:
—
Tout cela peut se concilier, me répondit-il. (Et plus tard, en lisant ses
Mémoires, j'ai reconnu qu'il avait raison.)
Nous
eûmes, à ce propos, une discussion animée sur le suicide. Certes, ou a dit sur
ce sujet tout ce qu'on peut dire. La mort volontaire est-elle permise? Est-elle
défendue ? Ceci est une question que je ne veux pas me charger de résoudre.
Lorsque
des idées semblables sont en cause, chaque argument gagne sa réplique.
J'argumentais, et Jean-Marc répliquait; je disais non, il disait oui.
—
Avez-vous le droit de retirer une force quelconque de la circulation?
m'écriais-je. — Parbleu ! répondait-il, si la circulation m'entraîne où je ne
veux pas.
—
Voilà du fatalisme.
Sa
conclusion fut celle-ci :
—
Si je me tuais, mon suicide serait le résultat ou plutôt la résultante de la
volonté de Dieu et de la mienne. En effet, Dieu pense en nous, puisque noire
âme est une émanation directe de son essence. Si donc la pensée me vient de
hâter l'instant où je quitterai ma forme actuelle, c'est à Dieu que je la dois.
Je reste maître, moi, avec mon libre arbitre, de la discuter, de la repousser
ou de l'admettre. ll en est de cela comme d'une maladie qui est insignifiante,
dangereuse ou mortelle, et dont le germe est en nous. Si cette pensée s'agite
en moi sans me troubler, elle est insignifiante; si elle m'inspire une résolution
funeste, elle est dangereuse….
Cette
lettre me surprit et m'inquiéta, sa dernière phrase me semblait une sorte de
cri d'appel poussé vers la mort par une poitrine brisée de lassitude.
J'interrogeai
le reïs de ma cange, et voici à peu près ce qu'il me répondit :
—
Quatre jours après ton départ pour Qôseir, le voyageur arriva ici avec ses
chameliers et un Arnaute. Il nous dit qu'il devait se rendre au Kaire avec toi;
nous le laissâmes entrer; il s'assit sur le divan. Il était tard, le jour
allait finir, les muezzins commençaient à chanter la prière du coucher du
soleil, et je revenais de faire mes ablutions, lorsque je vis le voyageur
debout sur le pont. Il était très-pâle et regardait du côté du fleuve. Tout à
coup il mit sa tête dans ses maths, ses épaules se soulevèrent et un grand
sanglot sortit de ses lèvres. Je n'osais rien dire, car je ne savais pas
pourquoi il pleurait. Il se tourna vers son Arnaute et il lui parla dans une
langue que je ne comprends pas. L'Arnaute s'en alla, et au bout d'une heure il
revint en disant : « Tout est prêt ! » Alors le voyageur t'écrivit la lettre
que je t'ai remise ; il fit emporter ses bagages et partit après m'avoir donné
un batchis. J'ai appris le lendemain qu'il avait fait prix avec un reïs de
barque pour qu'on le conduisît au Kaire sans arrêter. Voilà ce que je sais;
tous les matelots peuvent affirmer que le mensonge n'a pas touché mes lèvres.
Ces
renseignements ne m'apprenaient rien, et je restai dans l'incertitude que
m'avait causée la lettre de Jean-Marc.
Lorsque
j'arrivai au Kaire, je m'informai de lui; il n'avait fait, pour ainsi dire, que
traverser la ville, s'était rendu à Alexandrie, d'où il avait dû gagner
l'Italie par un paquebot français.
Quant
à moi, je continuai mon itinéraire projeté. Dans plusieurs endroits on me parla
de Jean-Marc. Par tout il avait laissé la réputation d'un homme taciturne et
fantasque. A Beyrouth, on me conta une singulière histoire dont il avait été le
héros et sur laquelle il donne lui-même dans ses Mémoires bien des détails
qu'on ignorait.
Enfin
je terminai mon voyage, rapportant en moi l'implacable nostalgie des pays
parcourus, et je revins à Paris.
Dès
que j'eus embrassé mes amis, dont, hélas! quelques-uns sont déjà morts; lorsque
j'eus brièvement ré pondu aux longues questions que chacun m'adressait, je
m'informai de Jean-Marc, dont le souvenir avait toujours flotté dans mon
esprit; lui aussi, il était de retour. J'allai le voir et ne le trouvai pas; je
laissai ma carte et j'attendis en vain sa visite; plusieurs fois j'y retournai
sans jamais le rencontrer ; je lui écrivis, il ne répondit pas. Tous mes
efforts échouèrent; je ne devais plus le revoir.
J'en
parlai à plusieurs personnes qui le connaissaient, et nul ne put me donner
positivement de ses nouvelles. Chacun, au reste, paraissait avoir sur son
compte une opinion toute faite.
—
C'est un fou, disait l'un.
—
C'est un ours, disait l'autre.
—
C'est un original, prétendait un troisième.
Je rencontrai un jour un de ces hommes qui
font for tune avec des mots alambiqués qui semblent profonds parce qu'ils sont
obscurs. Autrefois, il avait souvent vu Jean-Marc, et lorsque je lui demandai
ce qu'il en pensait, il me répondit avec un geste de mépris :
—
C'est un être inutile; c'est un fils naturel de René, élevé par Antony et
Chatterton !
L'explication
me parut peu satisfaisante : elle me laissa dans mes doutes. Plus tard, lorsque
j'eus lu les ' notes qui forment ce volume, je compris cette réponse : C'est un
être inutile. En effet, là était tout le mystère de cette existence
douloureuse; Jean-Marc est mort parce qu'il fut inutile.
Au
milieu des occupations multipliées dont la vie de Paris est pleine, je ne
tardai pas à mettre un peu Jean- Marc en oubli; son souvenir rentra
naturellement dans un des casiers les plus profonds de ma mémoire, pour n'en
sortir qu'à certains moments de tristesse et d'ennui. Alors le pâle visage de
ce jeune homme et l'expression languissante de ses yeux m'apparaissaient, comme
ces amis fidèles qui s'éloignent dans vos joies et reviennent vite vous trouver
pendant les jours de deuil et d'épreuves.
Donc
je pensais peu à Jean-Marc, sur lequel ma curiosité était toujours demeurée
insatisfaite, lorsqu'il y a quelques jours, en revenant d'un court voyage à la
Teste-de-Busch, je trouvai chez moi un paquet assez volumineux entouré d'un
papier blanc scellé de cinq cachets noirs. ll y avait trois enveloppes.
La
première portait mes noms et mon adresse.
Sur
la seconde, je lus : Pour être remis après ma mort.
Quant
à la troisième suscription, elle était ainsi conçue :
« Ceci est l'expression dernière de ma
volonté. J'ordonne que ces papiers, ainsi cachetés et scellés de mes armes,
soient remis à Monsieur Maxime Du Camp. Je ne reconnais à personne le droit de
s'y opposer ou de demander au susnommé compte de ce qu'il en aura fait. Je
déclare n'agir ainsi que pour le plut grand soin de ma mémoire et la plus
grande utilité de tous; et je signe : Jean-Marc. Je rompis vite les derniers
cachets, comprenant que la mort avait élu mon compagnon d'un jour, et sur une
liasse de notes je trouvai la lettre suivante, qui m'annonçait que ce pauvre
Jean-Marc avait été demandé à un monde supérieur le repos qu'il n'avait pas su
trouver dans le nôtre : « Est-ce la fatalité ? Est-ce le libre arbitre qui me pousse? Je n'en sais rien. Ce qu'il y a de
certain, c'est que je suis las et que je m'en vais. Quand vous recevrez cette
lettre, tous mes doutes seront éclaircis, et j'aurai peut-être enfin compris le
But et la Cause. Vous vous rappelez sans doute nos causeries du désert. Le
suicide est-il permis? Est-il défendu? Ai-je tort? Ai-je raison? Le fait est
que je vais me tuer, voilà tout. Comment, à trente ans à peine, en suis-je
arrivé là, c'est ce que vous verrez, si vous avez le courage de lire les notes
que je vous envoie. Toutes les fois que j'ai été frappé par un événement ou par
une pensée de douleur, j'ai écrit, sans ordre, sans méthode, il est vrai, mais
enfin j'ai, comme disent les danseuses, couché mes impressions sur le papier,
et ce sont ces impressions que je vous adresse. A travers leur décousu, vous y
trouverez cette vérité terrible dont la folle négation me fait aujourd'hui
mourir, c'est que, sous peine de malheur, il faut suivre le précepte exemplaire
que Dieu donne dans la Genèse : Sous peine de mort, il faut travailler. Comme
un imprudent, j'ai consumé dans une heure, par une inutile clarté, l'huile de
la lampe qui devait brûler toute la nuit ; les ténèbres sont venues, j'ai peur
des fantômes ; ainsi qu'un enfant, je me jetterais » de grand cœur dans les
bras de ma nourrice pour qu'elle apaisât mes terreurs; mais j'ai beau
interroger le silence et l'obscurité, je ne vois personne qui puisse me
secourir, et je pars pour les créations futures, où je revivrai sans doute avec
l'expérience gagnée au prix de bien des misères. Je vous l'ai dit autrefois,
j'ai pris » l'existence à rebours, et voilà que je meurs dégoûté de la vie,
sans avoir jamais vécu. — Que Dieu me pardonne, car je ne l'ai pas compris ! Depuis
longtemps je garde et je mûris en moi le projet qu'aujourd'hui je vais
accomplir. J'agis avec calme et même avec recueillement; depuis le jour où ma
résolution est devenue inébranlable, j'ai mis mes affaires en ordre, j'ai
recueilli mes souvenirs, et jusqu'au dernier moment j'ai écrit les sentiments
qui remuaient mon cœur. Ensemble, nous avons parlé de tout cela , et vous ne
vous doutiez guère à ce moment que vous causiez avec un homme déjà presque
mort. Ces notes vous seront peut-être utiles, aussi je vous les envoie;
faites-en ce que vous voudrez, et puisque vous appartenez à ceux qui recherchent
curieusement les effets et leurs causes, usez-en comme vous l'entendiez, je vous
les abandonne; si vous leur trouvez un côté curieux ou moralisant, publiez-les
sans crainte, je vous y autorise, car je me réjouirais, en entr'ouvrant ma tombe,
si je pouvais penser que leur lecture apprendra à quelques cerveaux troublés,
comme le mien, ce qu'il faut éviter pour ne pas trop souffrir. Ne me plaignez
pas; je meurs avec indifférence, sinon avec joie , et je sens un grand
allégement au dedans de moi-même ; peu d'êtres s'affecteront de mon absence ,
et encore ils se dépêcheront de m' oublier, afin de se débarrasser bien vite de
la petite part de douleur que je vais leur léguer. Je n'ai droit à aucune
larme; je le sais, et je m'en afflige; car je subis l'action de cet impérissable
égoïsme du cœur humain qui voudrait se survivre à lui-même en continuant à être
aimé par les regrets, cet autre égoïsme des vivants abandonnés par leurs morts.
Quant à vous, dont j'ai fui les rencontres, cher ami, afin de n'avoir pas à
répondre aux questions que vous » m'auriez adressées sur mon incompréhensible
départ de Kénéh, excusez-moi. Vous voyez que je ne vous avais pas oublié , et
que les courtes heures que nous avons écoulées ensemble m'ont laissé de vous
assez haute estime pour que je vous confie la seule chose qui me reste
maintenant : ma mémoire et les souvenirs de toute ma vie. Avant que j'en
finisse, écoutez le conseil d'un mourant : travaillez, travaillez sans cesse,
travaillez sans relâche, avec ou sans résultat, peu importe ! Mais travaillez I
Le travail, c'est la massue d'Hercule qui écrase tous les monstres. Autrefois
je vous ai dit au revoir, et maintenant je vous dis : Adieu !
Jean-Marc
P. S. — Si vous publiez mes notes, je vous
prie de » respecter la dédicace qui les termine, toute singulière qu'elle
puisse vous sembler. »
Je
courus chez Jean-Marc, et son concierge me raconta, en langage de portier, que
le « cher monsieur » s'était tué, que l'Église avait refusé de prier sur son
corps, qu'il était enterré depuis huit .jours, et que le mameluk (c'est ainsi
qu'il nommait Békir-Aga) était parti en emmenant le grand lévrier.
Je
rentrai chez moi profondément triste, je fis défendre ma porte, et, sans
désemparer, je lus jusqu'à la fin les mémoires que ce pauvre Jean-Marc
m'avaient légués.
C'étaient
des notes sans suite, toutes empreintes d'une incessante préoccupation de la
mort, des lettres, une touchante histoire d'amour (la même dont on m'avait
parlé à Beyrouth), des plaintes amères, de simples réflexions jetées çà et là,
comme pour servir de thème à des développements qui ne sont pas venus, des cris
de douleur souvent poussés sans motifs, et enfin le récit de ses dernières
impressions, alors qu'il était résolu à ne pas reculer devant son projet.
Tous
ces papiers avaient certainement été relus par lui, bien des passages étaient
effacés, d'autres ajoutés, presque tous les noms avaient été biffés avec soin
et remplacés par des pseudonymes.
Je
donnai communication de ce manuscrit à plusieurs de mes amis, et il fut décidé
que je devais le publier. Je n'ai rien voulu y changer; j'ai religieusement
gardé ces notes dans l'ordre où je les ai reçues, et ce sont elles qui forment
le présent volume.
C'est
presque un livre d'archéologie, car, grâce à Dieu, elle s'éteint chaque jour
davantage, cette race maladive et douloureuse qui a pris naissance sur les genoux
de René, qui a pleuré dans les Méditations de Lamartine, qui s'est déchiré la
cœur dans Obermann, qui a joui de la mort dans le Didier de Marion de Lorme, et
qui a craché au visage de la société par la bouche d'Antony. C'est à cette
génération rongée par des ennuis sans remède, repoussée par d'injustes
déclassements, attirée vers l'inconnu par tous les désirs des imaginations fécondes
que Jean-Marc appartenait. ll avait fait de longs voyages pour fuir ces alanguissements
insurmontables des âmes rêveuses; mais comme Hercule, il ne put arracher la
tunique dévorante qui brûlait sa chair. ll revint, refusant de voir un monde
dont l'infériorité l'irritait; il vécut dans la solitude absolue, cette
mauvaise conseillère qui porte pendus aux mamelles ses deux sinistres enfants :
l'Égoïsme et la Vanité. ll prit en mépris les intérêts de l'existence; tout lui
parut misérable et indigne d'un effort; il nia l'humanité, parce qu'il ne la
comprit pas; il repoussa le divin précepte : Aimez-vous les uns les autres! Il
en voulut aux hommes des douleurs qu'il puisait en lui, il s'enorgueillit de
ses souffrances jusqu'au jour où elles l'accablèrent, et enfin, dégoûté,
énervé, sans courage et sans foi, pour échapper à cet impitoyable en nemi qui
était lui-même, il se tua, et chercha dans la mort un repos que peut être il
n'y trouvera pas. Ce n'est pas à moi cependant qu'il appartient de faire ce
procès, quoiqu'il m'en ait donné toutes les pièces ; il a compris l'impiété,
non pas de sa mort, mais de sa vie; il l'avoue lui- même dans une des pages de
ses tristes Mémoires, et c'est en la citant que nous terminerons celte longue introduction.
«
Et maintenant, dit-il, que je vais recevoir sur mes lèvres le froid baiser de
la mort, maintenant que tout est fini et que dans une heure mon cadavre
sanglant sera couché sur le dos, si l'on me demande quelle pensée, quel regret,
quelle aspiration ouvre ses ailes dans mon cœur, je répondrai : Oh ! Comme ils
doivent être heureux ceux qui ont une jeune femme blonde qui entoure leur cou
de ses bras charmants et qui voient grandir un enfant qui les appelle : Mon
père ! Ils habitent la campagne; une pelouse verdoie devant la » maison ; quand
ils sortent, un gros chien les suit qui » porte le petit enfant : ils ont pris
dans la vie les joies de la famille. — Oh i comme il doit être heureux celui
qui veille la nuit, courbé sur un livre, et laissant retomber, par instants, sa
tête pleine de méditations ! Quelquefois il se lève pour aller regarder des
mixtures étranges qui fermentent dans des vases de cristal : il a pris dans la
vie les joies de la science. — Oh ! Comme il est heureux le peintre qui monte
et descend son échelle, la palette à la main! Le statuaire qui frappe son
marbre! Le compositeur qui pâlit en écoutant les mélodies qui chantent dans son
âme ! L’écrivain qui revêt sa pensée de formes magnifiques : ils ont pris dans
la vie les joies de l'art. — Comme il est heureux le capitaine habillé de son
beau costume qui le fait regarder par les femmes ! Il commande à des soldats
aussi braves et aussi obéissants que lui, il mourra de bon cœur pour sauver la frontière
ou pour empêcher un chien d'entrer aux Tuileries : il a pris dans la vie les joies
de la gloire et de l'asservissement. — Comme il est heureux le secrétaire
d'État qui décachète des dépêches qu'il ne lit pas et signe des papiers qu'il
n'a pas lus! Il baise gracieusement la main aux clames; il ne parle pas afin
d'avoir l'air de réfléchir et se courbe devant les broderies qui passent, car
il veut devenir ministre : il a pris dans la vie les joies de l'ambition. — Ah
! Comme il doit être heureux le banquier qui aligne ses chiures, compte son
argent, regarde avec amour les cinquante serrures de sa caisse solide, et gagne
soixante-quinze pour cent le plus honnêtement du monde ! Il a pris dans la vie
les joies de la richesse. — Comme il est heureux le jeune homme qui, la nuit, s'en
va, le cœur battant et le pied léger, vers la fenêtre de celle qui l'aime !
Peut-être en escaladant la muraille se brisera-t-il les reins, mais qu'importe,
puisqu'il peut tenir dans ses bras celle qu'il appelle sa chérie : il a pris
dans la vie les joies de l'amour ! — Comme ils sont heureux, comme ils sont
heureux tous ceux qui ne sont pas moi, tous ceux qui ne sont pas rongés par les
» dévorantes inquiétudes des rêves impossibles ! »
—
Ceci en dit plus long que toutes nos phrases, aussi maintenant nous allons laisser
parler Jean-Marc, en ayant soin toutefois de souhaiter la bienvenue au lecteur,
ainsi qu'il convient à un littérateur bien appris comme
Son
serviteur,
Maxime Du Camp
Télécharger l'introduction du roman en format .pdf : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/litterature/classiques/memoire-d-un-suicide-de-maxime-du-camp-introduction-2478270
1 commentaires:
On est quand même un peu loin de Maxime du Camp et du charme de l'homme mélancolique occidental fin 19ème siècle mais bon...merci de ne pas faire de pub sans raison.
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